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Ce conte de Jan-de-lOurs, un des plus connus de la tradition orale et des plus répandus, me vient dun vieux paysan du Midi. Il était né en I872 et nétait jamais allé à lécole. Il avait exercé plusieurs métiers : bouscatier, charbonnier, puis berger dans la Crau. Alors quil était homme à tout faire dans un mas de Camargue, il avait épousé la fille du "baïle des roubines " et tous deux étaient partis achever leur vie dans un village du Gard où ils cultivaient quelques ares. Lui sappelait Marius Lamblard. Il était mon grand-père et parlait provençal.
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"Il me le disait par bribes en m'expliquant le monde ..."
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Marius nétait pas un conteur. Parfois, il acceptait de dire un conte en patois lorsquil y avait des parents ou des voisins. Alors, il répétait un de ces récits (une sornette) que sa mémoire avait engrangé au cours de sa vie. Le vrai conteur de ma famille, je ne lai pas connu, cétait le beau-père de Marius, Jantou Farjon (le bailli des robines). Il connaissait tous les contes et composait des chansonnettes satiriques. Il na jamais rien écrit. Marius possédait le répertoire de Jantou, mais, trop timide et taciturne, il naimait pas se donner en spectacle.
Les contes, cest à moi quil les disait. Du plus profond de ma mémoire, je le vois et lentends me parler doucement. Jai été le grand amour de sa vie et cest à moi quil a essayé de transmettre son savoir, en vain.
Le conte de Jan-de-lOurs, cétait sa Grande Encyclopédie. Il le disait par bribes en mexpliquant le monde.
Enfant, personne ne ma jamais dit que cétait important davoir un grand-père savant. Au contraire, on le grondait de me parler patois, et, à lécole, joubliais Marius et ses sornettes. Jusquau jour où un nouvel instituteur est arrivé qui enseignait selon la Méthode Freinet ; il sintéressait aux traditions populaires.
Mais cétait trop tard, Marius était mort.
Cest longtemps après que jai tenté de mettre par écrit les contes de Marius. Ne sachant pas écrire loccitan, je les transcrivais en français tout naturellement : pendant toute mon enfance, les adultes parlaient patois, entre eux et aux enfants, et je répondais en français.
Je crois que ce conte de Jan-de-lOurs est traduit comme Marius laurait fait lui-même sil eût possédé les moyens décrire. Cest une histoire pour les petits enfants, afin de leur apprendre le monde, et pour les grands qui ne le comprennent plus !
La naissance
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